Lettre Ouverte à ma petite sœur

 

Ma très chère Shasha,

Tu dois te demander pourquoi cette lettre? Mais du haut de tes 17 ans tu vas embrasser ta vie de jeune femme, donc je voudrais te partager ces quelques conseils pour que tu puisses te prémunir. Toi qui as grandi dans notre cher Sénégal, et qui as pu aller à l’école, aller même jusqu’au lycée. Tu le sais mieux que moi, dans notre cher pays toutes les jeunes filles n’ont pas cette chance. Aujourd’hui encore dans certaines familles lorsque l’on est une fille, s’instruire n’est pas si important. Les parents vont préférer envoyer les garçons plutôt que les filles. Elles vont rester à la maison, aider aux travaux ménagers tout simplement. 

Même s’il y a des évolutions depuis nos parents, il reste encore du chemin à faire. Pour les filles qui auront réussi leur cursus scolaire, allant même jusqu’à décrocher un travail, elles auront un autre poids à gérer : l’obligation d’être mariées à tout prix. Je m’explique : si elles ont le malheur de ne pas être mariées, elle seront en quelque sorte marginalisées. Quoi qu’elles aient pu accomplir : superbe carrière avec responsabilité etc…, elles paraîtront souvent aux yeux de la société comme des femmes non accomplies.

Et pourtant à mon sens le mariage n’est aucunement une fin en soi. C’est quelque chose d’important qui permet d’apporter un équilibre à notre vie, avec la bénédiction que peuvent représenter les enfants qui en découleront. Bien évidement je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut pas se marier, seulement il faut apprendre à être heureuse soi même toute seule, au lieu d’attendre que cela vienne d’un homme. Notre société nous a formatées à croire que lorsque l’on est une femme et que l’on est pas mariée on a ratée sa vie. Non pas du tout, les femmes sont tellement fortes et pleines de ressources qu’elles ne devraient pas se baser uniquement sur le mariage  pour s’accomplir dans leur vie. Il y a tellement de belles choses à faire, qu’il serait dommage de se cantonner dans un rôle de femme à marier.

Pour celles qui le seront, c’est également un piège qui les attend. En effet tu le sais mieux que moi, une sénégalaise doit être toujours « Djongué »: prendre soin de son homme à tout prix. Bien évidement qu’il faut prendre soin de son mari, cela est une véritable marque d’affection, de respect, et une preuve d’amour. Mais ce qui me gêne c’est que les femmes ont tendance à s’y perdre. Elles deviennent même aliénées. Oui il faut redoubler de créativité, et d’astuces pour garder son homme! Et quel homme!? Tu sais : celui pour qui la femme ne se refusera rien, oubliant ses besoins, ses envies, fermant les yeux sur les humiliations qu’il va lui faire subir. Cet homme n’hésitera pas à courir les jeunes femmes, à la tromper. Quelques fois même cet homme sera capable de la battre parce que le dîner ne sera pas prêt à l’heure !

Et que va dire l’entourage de la femme : « Mougnal « , oui ce fameux « mougne » : que je traduirais par « accepte tout ce qu’il te fait ». En effet on te dira que si tu veux avoir des enfants bénis, il faut dire amen à tout ce que fait, ou dit ton mari. Le problème dans ce fonctionnement c’est que le respect dû à la femme est  relégué au second plan. Pareil pour sa dignité, les parents se rendent-ils comptent de ce qu’ils demandent à leurs filles?! Et le pire c’est que la plupart du temps c’est par peur du « quand dira-t-on? ». Le bonheur et le bien-être de leur enfant est moins important que ce que les gens pourraient penser si jamais leur fille venait à divorcer. Il vaut mieux vivre dans la souffrance et l’humiliation plutôt que de déshonorer la famille!

Et parlons de la belle-famille : toujours à attendre que la femme se plient en quatre pour elle. Avec nos protocoles de « téranga » à n’en plus finir : tout devient contrainte et obligation. La femme ne fait plus des cadeaux à la belle famille par envie, non certainement pas. Il faut le faire sinon les critiques fuseront. Et tu me diras qu’elle peut faire tous les efforts du monde, elle n’est à l’abri de rien du tout. Si la belle-famille décident de lui faire la guerre c’est peine perdue, il va encore falloir faire preuve de « Mougne »….

Et si jamais elle a le malheur de s’en plaindre à son mari, il est fort probable que ce dernier lui reproche de voir le mal partout, dans sa famille ce sont des gens biens, tout cela se passe dans sa tête.

Je sais, tout ce que je viens de dire n’a rien de réjouissant, mais je ne généralise pas. Bien évidement qu’il y a des hommes foncièrement bons : qui vont prendre soin de leur femme, les respecter, être à l’écoute de leurs besoins, tout faire pour qu’elle soit heureuse et épanouie. Ce que j’aimerai que tu gardes en tête c’est que dans cette société où la femme a tous les devoirs et l’homme tous les droits, il te faudra faire preuve d’intelligence pour ne pas tomber dans ces travers que j’ai décrit plus haut. Soit une femme avec des rêves que tu ne perdras jamais de vue, réalises toi d’abord, avant de chercher la compagnie d’un homme. La société se donnera toujours le droit de te juger, mais il ne faudra pas te laisser impressionner par tout cela.

C’est ta vie, elle est précieuse et tu n’as pas le droit de laisser quelqu’un te la gâcher 🙂

Prend soin de toi 😉

Diongué : L’art de la séduction chez les femmes sénégalaises ( il existe aussi des hommes Djongués ) 🙂

Mougne : Encaisser, endurer toutes les situations difficiles

Téranga : La première définition est l’hospitalité, dans l’article c’est plus dans le sens de faire des cadeaux